dimanche 2 mai 2010

Ces conteurs

«Une vie d'homme ne se raconte ni ne s'écrit. Une vie d'homme qui a aimé la terre et l'a parcourue est encore moins susceptible de narration. Mais quand cet homme a été un passionné, qu'il a connu tous les degrés du bonheur et de la misère en courant le monde, alors, essayer de donner une image vivante de ce que fut sa vie, c'est presque impossible. Impossible pour lui-même d'abord; ensuite, pour ceux qui doivent l'écouter.
Le charme, le pittoresque, l'intéressant de la vie d'un homme à l'âme puissante, tumultueuse, et en même temps aventureuse, n'est pas toujours dans les faits saillants de cette vie. Dans le détail réside le plus souvent la beauté. Mais qui écouterait le détail?Qui le goûterait? Qui le comprendrati surtout?...
Voilà pourquoi je fus toujours l'ennemi du: Racontez-nous quelque chose de votre vie!...»
-Panaït Istrati, tirer de la nouvelle Kyra Kyralina (1923).

Entre soumission et transcendance, les récits vagabonds de Panaït Istrati observent avec une rare délicatesse les moeurs de divers lieux, de l'Europe de l'est à l'ancien empire Ottoman. Sans avoir à en rajouter sur cet excellent auteur roumain improvisé (il eu des dizaines de métiers et ne se consacre que très sporadiquement à l'écriture), j'enchaîne avec un vagabondage plus moderne mais tout aussi énigmatique....

Tout en douceur, la tête passe à la gauche ou à la droite, le corps recule puis avance, tourne, claque les doigts, ces conteurs du blues soufflent leur histoires comme on parle du détail.



Sonny Boy Williamson, Junior Welles, Howlin' Wolf, Muddy Waters...Dans leur subtile retenue, leur observation de l'énigme, j'éprouve une certaine revalorisation du mot 'cool'...étrange...et sourire en coin!

Voici donc pour nous quelques performances:





mercredi 24 mars 2010

A mad Tea Party


C'est l'une des premières images qui apparaît quand on tape le nom de Tea Party dans Google. En effet les contestations du Tea Party en cette année 2010 relève d'un temps qui ne change pas, tout comme l'intemporalité du moment thé d'Alice. Et non, l'article ici n'est en aucun point relié au buzz du Alice en salle présentement! Les relents des racines du Ku Klux Klan se font entendre à la manière forte à travers le Tea Party cette semaine. Véritable société de la droite américaine, ceux qui s'y rattachent protestent contre le plan d'assurance-maladie adopté par le Sénat américain cette semaine. Voici quelques articles sur le sujet, dont celui du journaliste retraité Henry Champ qui fait un intéressant rappel historique sur la montée de la droite américaine lorsque la ségrégation fut menacée au début des années soixantes.

*Par Henry Champ: «The Dark Side of American Protest»
*Site officiel du Tea Party aujourd'hui ( regardez la section 'mission', horrifiant!)
*Par Richard Keil et Bradley A. Smith au Politico
*Par Tanene Allison: «Hate in the Face of History»

Et si vous avez envie de baigner dans le même bain côté cinématographique, l'excellent thriller The Ghost Writer de Roman Polanski répond exactement à l'ambiance du moment. Le poid ridicule de la droite américaine. Mais le poid!

mardi 23 mars 2010

Deux fois Stuart


Bon, avec un long délais, je reviens à quelques découvertes et redécouvertes des derniers jours. D'abord un court détour par la peinture de Stuart Sutcliffe, le premier bassiste des Beatles. Mon intérêt pour la peinture étant plutôt sporadique, décousu, je ne pourrais élaborer sur les influences ou la nature de la courte production artistique de Sutcliffe décédé à 21 ans en 1962. Mais sa peinture m'accroche indéniablement. Le musée de Liverpool qui exposait ses oeuvres, en 2008 si je me rappelle bien, souligne l'influence de deux peintres: Nicholas de Staël et Pierre Soulange. Après avoir pris rapidement connaissance de leur production, je préfère encore celle de Stuart Sutcliffe.























Dans un deuxième temps, la découverte de l'écrivain américain Stuart Dybek m'emballe particulièrement. Son recueil de nouvelles
The Coast of Chicago parcours le quotidien de la ville à travers la musique, le baseball, la peur de la bombe atomique, ses professeurs, son architecture...Entre les échos de quelques accords de Chopin sortant d'une bouche d'aération ou les disques de Howlin' Wolf ou de Screamin' Jay Hawkins écoutés avec le passage d'un train, Stuart Dybek utilise aisément la référence culturelle pour dévoiler les passions, phobies, croyances et paresses des habitants de Chicago. Voici une des très courtes nouvelles du recueil:


L'été , en attendant la nuit sous le ciel rougeoyant du crépuscule, nous nous postions au coin des rues pour observer le va-et-vient des voitures dans le quartier. Il arrivait parfois qu'une d'entres elles circule sans phares allumés et alors nous hurlions tous, «Les phares!»
«Les phares!» Nous n'arrêtions pas de hurler jusqu'à ce qu les feux s'allument. C'était en général immédiat et le chauffeur se retournait pour nous crier un merci , ou se dissimulait embarrassé derrière son volant, ou encore mettait le gaz et nous ne pouvions qu'apercevoir la lueur fugitive des feux rouges.
Mais il arrivait aussi -aller savoir pourquoi- que le conducteur, éméché ou arrogant, obstiné ou simplement perdu dans son rêve de rejoindre un ailleurs, continue de conduire tous feux éteints, et alors nous pouvions entendre d'un bout à l'autre du quartier des cris jaillissants des hallsd'immeubles, des devantures de magasinsm des seuils des maisons et d'autres recoins, des voix clignotant comme des lucioles: «Les phares!Tes phares! Hé, les phares!»

lundi 15 février 2010

La légèreté d'un titre

Une très, très vieille phrase de Chine dit: Names can name no lasting name.

J'suis d'accord au sens général. En parrallèle, mon titre de blogue me fait déjà douter. Mais il faut bien retenir certaines idées pour démarrer. Faut creuser sur place, pas trop s'éparpiller comme dit Bresson.

Le nom du blogue m'est venu en toute simplicité. Aucune cinéphilie extrême désirée. À la lecture d'un court chapitre du premier roman de Leonard Cohen, ce dernier évoque un film de famille, les gaffes du cadreur amateur, l'effort du souvenir et la lamentable flambée du celluloïd contenant ces détails familiaux...J'ai pensé à ce que j'oublie...continuellement. Pas grave, c'est tout naturel. Et il reste des «états», du «montage». C'est juste le matériel que j'essaierai ici de conserver, pas une forme précise! Mais si le partage de certaines découvertes ou réflexions m'apportait une certaine continuité inattendue? Par moi ou par d'autres...Il y a un certain proverbe chinois, que je ne peux citer puisque je ne me rappelle plus à quel livre il a servit d'introduction, qui disait quelque chose comme: ce qui n'est pas partagé n'a pas d'existence. C'était beaucoup plus éloquent.

Mais bref, oui j'ai un intérêt pour l'idée de transmission. Le désir de justifier un blog est fort...très fort puisque c'est mon premier et je n'écris pas beaucoup pour moi-même, jamais pour promouvoir chez les autres. Ce sera au blog de justifier le reste. Finalement éloignée de ces sprints universitaires fulgurants, c'est bon de garder la forme en écrivant un peu et perdre la forme académique. Citations, musique, films et accompagnements visuels oui! Vie privée et photos de ma dernière escapade à Saint-foin-foin-des-meumeux jamais!

Je débute donc avec Leonard et son The Favorite Game. Amour du détail et légère et saine dérision:


Here is a movie filled with the bodies of his family.

His father aims the camera at his uncles, tall and serious, boutonnières in their dark lapels, who walk too close and enter into blurdom.

Their wives look formal and sad.His mother steps back, unrging aunts to get into the picture. At the back of the screen het smile and shoulders go limp. She thinks she is out of focus.

Breavman stops the film to study her and her face is eaten by a spreading orange-rimmed stain as the film melts.

His grandmother sits in the shadows of the stone balcony aunts present her with babies. A silver tea-set glows richly in early Technicolor.

His grandfather reviews a line of children but is stopped in the midst of an approving nod and ravaged by a technical orange flame.

Breavman is mutilating the film in his efforts at history.

Breavman and his cousins fight small gentlemanly battles. The girls curtsy. All the children are invited to leap one at a time across the flagstone path.

A gardener is led shy and grateful into the sunlight to be preserved with the betters.
A battalion of wives is squeezed abreast, is decimated by the edge of the screen. His mother is one of the first to go.

Suddenly the picture is shoes and blurred grass as his father staggers under another attack.

"Help!"

Coils of celluloid are burning around his feet. He dances until he is saved by Nursie and the maid and punished by his mother.

The movie runs night and day. Be careful, blood, be careful.


Et pour terminer, un vidéo un brin crottant ou décrottant selon l'humeur :)